Mardi soir. Le genre de soirée où il ne se passe rien. Je "scrollais" sans but sur tchat.chat, plus par habitude que par conviction. Les mêmes pseudos, les mêmes conversations qui tournent en rond. J'allais fermer la fenêtre, et puis je l'ai vu.
Un pseudo qui n'avait rien à faire là. Sobre, presque austère : "LeBibliothécaire".
Pas de photo. Pas de bio. Rien. Juste ce nom. Dans ma tête, l'image était claire : un homme de 60 ans, avec une barbe grise, des lunettes, et une passion pour les livres qui sentent la poussière. Par pure provocation, j'ai décidé de lui envoyer un message, un peu sarcastique :
"Alors, on classe les livres ou les gens ici ?"
Je m'attendais à un silence. Ou à une réponse sèche. Mais ce que j'ai reçu a été le début de l'histoire la plus étrange et la plus fascinante de mon été.
Le Début du Mystère
La réponse est arrivée 30 secondes plus tard.
"Ça dépend. Les livres sont plus faciles, ils ne répondent pas avec du sarcasme 😉"
J'ai souri. C'était bien joué. La conversation a commencé comme ça. Mais elle n'était pas normale. On ne parlait pas de la météo ou de nos week-ends. On parlait de films en noir et blanc, de théories du complot amusantes, de la raison pour laquelle la fin de Inception nous frustrait tant.
"LeBibliothécaire" était incroyablement cultivé, drôle, et avait une répartie fulgurante. Mais le mystère restait entier. Impossible d'avoir une information personnelle. Pas d'âge, pas de ville, et surtout, pas de photo. Chaque fois que j'essayais, il ou elle esquivait avec une pirouette humoristique.
C'était frustrant. Et en même temps, c'était addictif. Pour la première fois, je parlais à une intelligence pure, à un esprit, sans être influencé par un visage ou un physique.
Le Pari
Au bout d'une semaine de ce jeu du chat et de la souris, j'en pouvais plus. J'ai décidé de lancer un pavé dans la mare.
"Ok, j'en suis sûr maintenant. Je parie que tu es un prof de philo de 60 ans, avec une grande barbe et une veste en velours."
J'ai vu les trois petits points de la réponse apparaître, puis disparaître. Et enfin, le message :
"Hahaha ! Tu es loin du compte. Mais j'aime ton audace. Alors je te propose un défi. Demain, 18h, au café 'Le Penseur' sur la grande place. Je serai à une table, avec un livre à la couverture rouge posé devant moi. Tu verras bien si j'ai une barbe."
Mon cœur s'est emballé. C'était réel. Le jeu allait prendre fin.
La Rencontre
Le lendemain, à 17h55, j'étais devant le café. J'avais la boule au ventre. J'ai regardé à travers la vitre, cherchant un homme âgé avec un livre. Rien.
J'ai poussé la porte. J'ai scanné la salle. Mon regard s'est arrêté sur une table au fond. Il y avait bien un livre à la couverture rouge. Mais la personne qui le tenait... n'avait rien à voir avec mon imagination.
C'était une jeune femme, peut-être de mon âge. Style rock, des écouteurs autour du cou, et un sourire malicieux en me voyant approcher, complètement décomposé.
Elle a fermé son livre. C'était "Le Guide du voyageur galactique".
Elle m'a regardé et m'a dit, avec la même intelligence dans les yeux que dans ses écrits :
"Alors, cette barbe, elle te plaît ?"
On a parlé pendant trois heures. Elle m'a expliqué qu'elle adorait l'anonymat du tchat pour créer une connexion purement intellectuelle, loin des jugements hâtifs basés sur une photo. Pour voir si quelqu'un pouvait s'intéresser à son esprit avant de voir son visage.
Ce jour-là, je n'ai pas seulement rencontré une personne fascinante. J'ai compris que les plus belles connexions sont celles qu'on n'attend pas, cachées derrière les profils les plus mystérieux. J'ai appris à ne plus juger un livre (ou un pseudo) à sa couverture.
Et cette leçon, je l'ai apprise grâce à un "Bibliothécaire" sur tchat.chat. Alors, la prochaine fois que vous verrez un profil sans photo, n'hésitez pas. La plus belle surprise de votre été est peut-être juste derrière.